26.5.02

QaPlaH! Hosanna! J'ai dégotté en furetant rien moins que le scénario de Star Trek X: Nemesis. Quel délice interdit, quel plaisir j'éprouve à gâcher mon plaisir!



Mars.gif





Dans le même ordre d'idées, Mars Odyssey a trouvé de l'eau sur la planète rouge. La NASA l'annoncera jeudi.
Mario débarque. «Quoi de neuf?» lance-t-il, jovial.



«Pas grand chose», je dis. «Tellement peu, en fait, qu'il faut que j'invente des trucs à mettre dans le Journal. Pour tout dire, t'es même pas là!»



Il rigole. Je l'emplis de confiture d'abricots et lui donne la recette, celle d'Annie. On se sent Plateau en diable.
Cependant qu'au salon les filles dialoguent sur leurs vagins («Le mien, si c'était une vedette, ce serait Céline Dion: naturel, nerveux, diva!» «Le mien, il me rappelle Maria Callas!»), je fais quelques parties de backgammon à la cuisine avec C. Ce week-end s'étire, s'étire, ne finira jamais et c'est très bien comme ça. «Le mien a des airs de Michael Jackson...»



Très bien comme ça, parce que mes archives papier attendent depuis un an que je les classe et que j'ai décidé de m'y attaquer aujourd'hui.



C me parle d'E Ink, un surgeon du MIT qui développe un écran flexible très prometteur. Les pixels s'agglutineraient par électricité statique et seraient éclairés de l'extérieur, par la lumière ambiante réfléchie, comme un livre, ce qui permettrait d'emporter le support au soleil. Combiné à un chargement sans fil, ce bidule pourrait recevoir un roman ou un tout nouveau journal chaque matin. Restent l'écran à amincir (ils en sont à 6 mm) et la résolution à augmenter.

25.5.02

Éric Roger m'envoie un poème écrit pour moi en buvant une Bud à l'Île-des-Soeurs.



Petit poème pour Mistral




être béni dans l'anus royal



Je cherche un sourire

à mettre sur mes lèvres

le ciel a violé mon âme

j'emprunte un cierge

je le plante sur un nuage

vaut mieux avoir deux yeux

pour éclairer la réalité

nous sommes abstraits

dans ce pays d'amertume

il nous faut un Jack

l'éventreur

pour faire bouillir

nos coeurs meurtris

nous urinerons dans la

face cachée du ciel

pour faire apparaître

l'emblème hiérarchique

du règne royal

tu sais un peu comme on

nous le montre dans le

générique des épisodes

de Batman

nos reines nous conduiront

au meurtre

nos rêves exploseront comme

des bombes

je continue ce profond rêve

je me retrouve dans le monde

de Ulthar

non! je me vois plutôt

là où une princesse du nom

de Diana

s'est éteinte

Diana dans toute sa splendeur

mais coupable d'en savoir

trop concernant le règne

monarchique et diabolique

du pouvoir britannique.




(© Éric Roger 23 mai 2002)







Beau samedi. Une confiture d'abricots amers mijote sur le feu; je crois que j'ai peut-être mis trop d'eau. Si ça marche, je la foutrai dans le petit pot Mason que Marie-Josée a orné de fleurs peintes à la main avant de me l'offrir.



J'entame la lecture de L'hiver de notre mécontentement de John Steinbeck tout en regardant Abattoir 5 du coin de l'oeil.

24.5.02

Hier, Kevin s'est résolu à liquider quelques trésors qui lui tenaient tant au coeur qu'à la conscience... enfin, il ne serait pas prudent de ma part d'élaborer, so, anyway, on a traversé le Parc Lafontaine et un petit vent doux nous gardait secs; le bassin était plein d'eau, les pelouses de vieux, de guitaristes chevelus et d'indolents tatoués.



La nuit d'avant, mon vieux K avait failli se faire embarquer par les cochons pour une banale histoire de trouble de la paix publique. Son copain Ed, moins roublard et plus pur, s'est fait péter le crâne sur le toit du véhicule policier avant de disparaître à l'intérieur. On n'a su qu'en soirée si La Seigneurie d'office avait jugé opportun de le libérer. Kevin, ça l'a rassuré.



Et puis le timbre du Bunker a résonné, toutes les notes de mon code bien découpées, claires, propres et rythmées que c'en était une beauté, j'aurais pas fait mieux moi-même, c'est tout dire, et comme de juste c'était monsieur mon fils, JCM en personne, beau comme un demi-dieu grec (un tiers décathlonien, un tiers philosophe, un tiers bouc). Juste au moment où les traces de sa taille ascendante perçaient sous la peinture...



Je lui ai montré où se trouvait mon testament. Il m'a donné l'assurance qu'il saurait s'occuper de mes affaires en cas de besoin. Je n'ai pas hâte de ne pas voir ça.



Plus tard, Éric Drouin est venu. Sûr qu'ils se passent le mot pour me foutre la crise cardiaque!



L'est monté m'acheter un sachet et n'y a pas touché. Si Éric peut faire ça, d'insoupçonnés possibles s'ouvrent à moi ce soir.

23.5.02

Circius, fort troublé, un tantinet colère, sollicite mes lumières: «Je la fais râler à fond, je lui fais la courte-échelle vers les constellations. Tout de suite après, elle se tire! Fâchée parce qu'elle se figure que je l'ai comparée à toutes les autres femmes. Elle venait de se dire pleine d'énergie. Moi, j'étais là, pantelant, contemplant le repos du guerrier. J'ai dit: C'est bien les femmes, ça. On est à moitié morts et vous pétez le feu. Elle a crié: Je suis pas toutes les femmes! J'étais trop crevé pour jouer. J'ai fermé les yeux et je l'ai laissée filer. Ai-je bien fait, selon toi?»



Tu rigoles? je dis. T'es une sorte de génie.

22.5.02

Elle m'a envoyé au vin tandis qu'elle vaquait aux légumes. On a siroté regardé la télé lu Sand et Nasar j'ai fumé elle a pris un bain chaud que j'avais fait couler pour son souple corps impatient j'ai mis de la musique on a mangé baisé oh elle m'a expliqué le sens premier du sens commun j'ai léché son clitoris sucré le dessert est un triomphe de la civilisation seuls les sauvages en entretiennent le soupçon.
La tête des gens, des femmes surtout, quand vous mentionnez que vous purgez périodiquement la mémoire de votre ordinateur de toutes traces de vos pérégrinations! Non pas qu'ils vous soupçonnent de dissimuler d'horribles secrets, au contraire: c'est de paranoïa qu'on vous taxe. Et bien sûr, le projet de loi qui forcerait les serveurs à conserver plus longtemps les courriels de leurs clients ne vise que les gros méchants terroristes. Cette idée du rien à cacher, rien à craindre est pernicieuse et sophistique. Qu'on se rappelle les saisies de livres en 1970, quand la Police Provinciale embarquait tout ce qui parlait de cubisme, croyant qu'il s'agissait d'une idéologie issue de la Havane! Si j'ai jamais à nouveau des ennuis avec la Loi, je ne veux pas qu'on se mette à interpréter rétroactivement mes goûts en matière de politique, de poésie et de pornographie (Non, pas d'hyperlien sur poésie: trop privé). Un procureur a bien déjà cité en preuve une entrevue que j'avais supposément accordée au Devoir sans se soucier de faire prêter serment à la journaliste.

21.5.02

Annie arrive juste à temps pour voir le soleil se coucher dans l'ancienne carrière Miron, qui devint un dépotoir.
Je devrais travailler à Origines. Le verbe devoir revient souvent aujourd'hui. Je devrais travailler mais le coeur n'y est pas, n'y est plus depuis longtemps, des années, or personne ne me croit quand j'affirme préférer laver la vaisselle à écrire. Avoir écrit, j'aime bien. Parfois, dans mes marathons de nuit soutenus au carburant blanc, je m'amuse vraiment, tout entier à la joie d'accomplir des prouesses, sans ce constant sentiment d'avoir mieux à faire ou d'oublier quelque chose. Sans, surtout, la compulsion de faire vite, de hâter le texte, de boucler la chose à dire en deux paragraphes, ce qui paradoxalement fait traîner toutes mes entreprises. D'auteur prolifique, je suis devenu celui qui livre au compte-gouttes, et le mieux est que j'intègre cette conception de moi-même le plus totalement possible. Or, alors même que j'écris ces lignes, je sais que cela est résolument hors de question. Je n'y croirai jamais. J'y crois, je change; je change, je crève.



Le fait qu'Origines soit une sorte d'essai où la fantaisie doit être réduite au minimum n'arrange pas les choses. Je vois la créativité qu'implique un tel effort mais je ne la ressens pas, pas suffisamment pour me porter, me faire éprouver l'apesanteur et la vélocité d'une flèche.



Ce journal, c'est autre chose. Longtemps je m'y suis refusé, incapable de substituer l'acte d'écrire à celui de vivre, certain que le processus ne pouvait déboucher que sur l'absurde. De plus, je tenais ce genre pour particulier en ce qu'il s'adressait à des lecteurs futurs; or, cela me créait une obligation de dépeindre la vérité, toute ma vérité, un exercice aussi périlleux que futile auquel je répugnais à me soumettre. Mais le fait de tenir un journal pour des lecteurs immédiats change la donne, à mon sens: c'est le vrai contre la vérité sélective, ou ce qu'on appelle aujourd'hui avec quelque abus l'autofiction. De plus, la seule perspective d'être lu et d'en jeter plein la vue me donne l'impulsion nécessaire à l'ouvrage quotidien. C'est comme ça. Il est de pires raisons d'écrire.



Enfin, il n'est pas impensable que la grâce, ce fuyant état propre à la vingtaine, ne revienne jamais que par bouffées intermittentes séparées les unes des autres par des intervalles de plus en plus longs, et que je me sois, en quelque sorte, volé à moi-même mes meilleures années. Cette idée ne laisse pas d'être profondément déconcertante.
Témoignage supplémentaire de mon sens aigu des affaires: la pile de comic books de Spiderman, tous des pièces de collection, achetés à prix d'or en 1992 et invendables il y a six mois à peine, je l'ai donnée à mon cousin juste avant d'apprendre la sortie du film.



Rien trouvé à vendre pour apporter mon écot aux agapes hebdomadaires des Poètes de Port-Royal. Ai dû décliner à regret.



Ma chevelure intolérablement chatouillarde. Aurais dû aller voir signor Perrazino, mon barbier, vendredi dernier tandis qu'il me restait des sous et qu'il offrait de m'attendre après la fermeture. Il m'aime bien, peut-être parce qu'il ne me voit qu'une fois par année.



Plongé dans la lecture accélérée d'A beautiful mind, de Sylvia Nasar: K doit le rapporter à l'Université jeudi matin. J'alterne avec des siestes où je rêve de John Nash sous les traits de Russell Crowe, malgré que je n'aie pas vu le film. Certains épisodes me rappellent celui dont Guigui m'a tiré il y a quelques années. Si l'intelligence est la capacité de faire des liens entre des choses qui n'en ont pas entre elles à priori, qu'en est-il lorsque ces liens sont visibles d'un seul individu?
L'administration États-Unienne publie sa liste annuelle d'ennemis, qui s'allonge comme de juste. Jamais, ni sous Reagan, ni sous Bush Sr, je n'ai senti cette pression de l'État pour se muer en entité Orwellienne. Le seul espoir est qu'à force de crier au loup, les profiteurs de guerre se discréditeront aux yeux de l'opinion, mais c'est compter sans leur capacité à produire au besoin un loup du néant comme le magicien tire un lapin d'un chapeau.
Dans Le 6e sens, le gamin qui voit des revenants explique au psy qu'auparavant, il dessinait des choses telles qu'un garçon à la gorge tailladée par un tournevis. L'école, alarmée, ayant convoqué sa mère à une réunion au cours de laquelle celle-ci a fondu en larmes, le petit s'en tient désormais à dépeindre «des gens qui rient, des ciels bleus. Ils font jamais de réunions pour des ciels bleus...»



Annie noircit son cahier dans le lit. Une jambe croisée sous elle et l'autre, nue sur la couette, la plus enchanteresse vision qui soit. La voilà qui saute dans ses jeans et file au boulot. Le ciel est bleu. On n'aura pas de réunion.

20.5.02

Visite de Mario. Les oreilles devaient lui bourdonner.



Je fais une sieste, je me réveille, j'ai faim, je mange, ça m'endort, ô vices circulaires!
Salutations à vous, amis pirates qui êtes aussi des fans de Céline! Saviez-vous que vous pouvez contourner la technologie Key2Audio de Sony avec un simple marqueur à pointe de feutre? Non, vous ne le saviez pas. Noircissez simplement le rebord brillant qui contient la piste emplie de fausses données destinées à égarer l'ordinateur, et brûlez, brûlez, BRÛLEZ! En prime, votre Mac ne se plantera plus, en tous cas pas pour cette raison. Évidemment, ça ne marche pas avec les disques dont j'ai écrit tout ou partie des paroles.



Suggestion: faites provision de marqueurs avant qu'on les interdise aussi.
Ajouté des définitions à mes Liaisons.



Mario, grippé, se tenait en quarantaine sans trop s'ennuyer parce qu'il prenait de mes nouvelles par le biais de ce journal. Ce que je me demande, c'est comment il en prenait des siennes.
Je sais toujours quand j'ai dormi dur et hors du temps parce que ma montre prend du retard. C'est la Tissot de mon grand-père, un modèle rarissime qui se remonte tout seul au mouvement du poignet grâce à un micro-balancier qu'on entend si on agite le boîtier près de l'oreille.



Au réveil, je remets ma montre à l'heure mais je demeure si calme au cours des quelques centaines de minutes suivantes qu'elle en reperd encore cinquante.



Surprenant ce qu'une douche, des chaussettes neuves et un slip frais sorti de sa boîte peuvent faire pour le moral.



Tout de même, ce matin, mon inquiétude d'élection a trait au silence des productrices de Julien Vago. La rencontre prévue au début de mai n'a toujours pas eu lieu et j'essaie de préparer mon coeur à l'échec. Hemingway, Faulkner, Fitzgerald ne sont-ils pas revenus d'Hollywood la queue entre les jambes et tristes à mourir? Le cinéma fait des dégâts.

19.5.02

Me prépare une salade. Y tranche un avocat. Morceau tombe à terre. Le ramasse, l'essuie. Suis un gars. Morceau, le même, tombe dans l'évier. Signe des Cieux? Doigts glissants? Le ramasse, l'essuie. Doute: chance et charisme revenus? Mange le morceau: frappe du dur, sablonneux, croûté. Le recrache et le jette aux vidanges. Mieux vaut errer du côté de la sécurité.



Si seulement j'avais fait preuve du même bon sens, flushé mes morceaux d'avocats lors de mes procès et pris en charge ma propre santé.