11.4.02

Je sors acheter un pain, et du diable si je ne me fais pas draguer par un gentil petit pédé plateau-nique! Vingt ans que ça ne m'est pas arrivé. Au début, je croyais qu'il avait un tic de la bouche. Flatteur, va.
Éléments oniriques familiers: suivant mon propre chemin dans l'intention de rejoindre les autres plus tard, voire d'arriver avant eux, j'en suis séparé; mon raccourci est un cul-de-sac, rétrécissant comme un entonnoir, barré par des obstacles fabriqués de main d'homme (le plus souvent un savant embrouillamini de barbelés et de béton) et je me retrouve coincé dans une maison labyrinthique où je ne suis pas le bienvenu...



Cette fois-ci, les murs sont recouverts de viande humaine encore rose et l'endroit appartient à un certain monsieur Screwball qu'une hystérique alerte à pleins poumons.

10.4.02

Circius alterne entre brailler et dégueuler («Ta belle toilette toute fraîche propre! Bon Dieu, chuis vraiment une raclure immonde! S'cuse-moi, Mistral, mais toute cette invitante porcela...BREEEUH!»). Qu'est-ce qui m'a pris d'appeler ce moulin un bunker? Là-dessus, Marlène m'appelle, toute gentille, et je comprends qu'il vaut mieux tout remettre à plus tard.



Entre deux éclaboussements, j'essaie de remonter le moral d'Emmanuel en lui démontrant, chiffres à l'appui, que la fréquentation du site a augmenté de 59,1% depuis la publication du journal, soit une dizaine de jours.



«KwaAAA? Tu veux dire que ces... ces... tu veux dire qu'ils... après tout le travail que j'ai fait? La présentation, ta biographie, ta putain de biblio interminable et l'entretien de la Saint-Valentin, quand tu m'as pratiquement jeté dehors, et le référencement, les constantes mises à jour, le... le... tu veux dire que ces busards se précipitent maintenant que tu tiens UN JOURNAL? T'appelles ça un journal? Ce que t'as lu sur un banc de Parc en revenant du BS?»
Vu sur un banc de parc près d'une école, rue Rachel, angle Franchère (au marqueur noir): «tu me traite encore de petit je te tue! avec le sabre d'Éric Houle»...



Lu dans Voici l'homme, de Michael Moorcock, aux éditions L'Atalante: «Piégé. Coulant à fond. Peux pas être moi-même. Transformé en ce qu'attendent les autres. Est-ce le destin de tout le monde? Les grands personnages étaient-ils le produit de leurs amis qui désiraient pour ami un grand personnage?»
Briqué les chiottes. Ma corvée de la journée. Du diable si je comprends comment elles se salissent si vite. Je prends pourtant bien soin de pisser dans le lavabo!
Dors mal. Dors pas. Cauchemarde au max. Rêvé à ma soeur avec des bacchantes...



Réveillé par ma propre voix vociférant des imprécations.

9.4.02

Lancement collectif hier soir à la BNQ; hydre à vingt têtes, dont la moitié sont des amis. J'ai eu le vin triste et me suis mis à chiâler sur Sherbrooke sitôt après. Mario est allé livrer mes quatre chansons chez Sébastien, des Respectables (Seb m'a déjà expliqué qu'on appelait ainsi les courtisanes du Siècle des Lumières); Kevin m'a ramené au Bunker par les ruelles. Je lui apprenais Amazing Grace à tue-tête et au retour, j'ai mis Father ans Son de Cat Stevens, «pour nous quatre» (lui, moi, nos fils) et on a rechiâlé de concert.

8.4.02

Retrouvé la trace de Gil-France tout à fait par hasard. Un article vieux de trois ans qui la dit enceinte. Il fallait que ce soit aujourd'hui que la vie ma rappelle combien je l'ai ratée.
Me demande sourdement s'ils me la fileront, ma carte de crédit. Après tout, je fais pratiquement partie d'un ordre contemplatif.
Recensement des bouteilles: une vide, une gravide, mais j'y travaille, à celle-là.
Un journal dans lequel on consigne ses intentions, n'est-ce pas plutôt un agenda?



Quoiqu'il en soit, je m'en vais de ce pas vendre deux livres, Vamp et Vautour, que je convertirai en quilles de broue cheap que j'écluserai avant d'appeler le banquier de Toronto qui m'a laissé un message gémissant ce matin.

7.4.02

Mario venu moissonner ses courriels. S'est réveillé en rêvant une idée: Je devrais utiliser comme canevas romanesque le périple en dix-huit roues de l'été dernier, avec CGDR, ma patte plâtrée, mes idées noires... Lui ai offert l'anecdote.

6.4.02

Si vous voulez mon avis, aucun génie ne vaut qu'on souffre trop pour lui.

Woody Allen

Accords et désaccords



Mes plus grands défauts, la fanfaronnade et le bluff, m'ont fourni un nombre incalculable d'avantages.

Heinrich Schliemann



4.4.02

Deux charmantes jeunes femmes sonnent à la porte du bunker. C'est pour m'offrir un forfait téléphone. J'explique d'emblée que l'enquête de crédit pourrait poser problème. Elles proposent de vérifier quand même, on sait jamais. Dix minutes plus tard, les voilà qui reviennent avec une nouvelle bouleversante: mon crédit est bon. En tout cas, pas mauvais...



Maintenant, je me sens tout drôle, comme si on m'avait annoncé que mon père est le Prince de Galles: je n'ai pas changé, mais je ne suis plus tout à fait le même.
Réussi à dénicher tous les fichiers cachés sur mon Mac, à les expurger, à les renouveler, à me revirginiser. Kevin, inquiet de me voir si excité: «C'est des trucs compromettants pour toi?». Moi, amer et narquois tout à la fois: «Ça dépend aux yeux de qui...»



Et mon vieux Kevin se rassura aussitôt: qui que soient ces qui que j'évoquais, il savait qu'il n'en ferait jamais partie. Pour lui, ça ne dépendraitde rien. Jamais.





Brosse du feu de Dieu. On vient de décoller les yeux.



Aphane veut savoir ce que mange en hiver la citation incluse dans le fichier signature de mes courriels: «L'opéra n'est pas fini tant que la grosse femme n'a pas chanté».



Eh bien, voici.



En fait, cette maxime fait partie de ma collection de proverbes texans. À l'époque de la ruée vers l'or noir, des fortunes se firent faire par des péquenots analphabètes dont les épouses les convainquirent d'acquérir de la culture à grand prix. C'est ainsi qu'on vit Sarah La Divine Bernhardt effectuer une tournée du Far-West, et des pianistes et des pianos traverser monts et vaux en chariot, et, oui, des cantatrices.



Traînés à l'opéra par leurs dondons endimanchées, les rednecks se retiraient entre eux à l'entr'acte pour allumer un cigare et sacrifier au bourbon. Immanquablement, l'un se mettait à gémir: «When will it end? Darn if I know what those eye-talians are screaming about!» Et un autre, plus âgé, répondait: «Well, as far as I can figure out, it ain't over till the fat lady sings...»





Visionné des Star Trek jusqu'à 4 du mat'. Prétexte: pédagogique. Kevin est incapable de dormir la nuit comme un honnête homme, tout tordu sur le sofa, et c'est un excellent moment pour lui d'apprendre l'anglais. Enfin, excellent, j'exagère peut-être un peu, mais en tout cas pas pire qu'un autre. Que, mettons, le jour.



Quelqu'un là-haut déverse des tombereaux d'eau de vaisselle glacée sur ma ville. Me suis levé pour lire le Journal de Script. Le Devoir attendra. M'en retourne dare-dare au plumard.

3.4.02

Nous voici de retour à 1984, le film, avec John Hurt et Richard Burton, d'après George Orwell. Discutant de l'élaboration de la novlangue, l'un des confrères de Winston Smith s'extasie: «Vous vous rendez compte comme ce sera merveilleux: en 2050, plus personne ne pourra tenir de conversation de ce genre!» Et il emploie le mot vestige. Or, essayez de prononcer le mot vestige à Montréal ces jours-ci dans l'espoir d'être compris. Le mot vestige est un vestige. Il faut, selon Kevin, dire un restant...



1984. Les parallèles avec la situation post911 donnent mal au coeur. «Selon les principes de la double-pensée, peu importe que la guerre ne soit pas réelle, ou si elle l'est, que la victoire ne soit pas possible. La guerre ne vise pas la victoire. Elle vise à être continuelle...»Ça ne vous rappelle rien? L'allié d'hier devenu l'ennemi juré d'aujourd'hui, les orgasmes collectifs cathartiques de haine envers un Autre culturel lointain dont on ne sait rien, le révisionnisme historique (on a découvert que le New York Times avait altéré ses archives web au lendemain du 11 septembre, substituant à un article critique pour la Maison-Blanche un autre plus coulant), l'hélico-espion en tout point semblable à celui qui survole Montréal lors d'événements spéciaux, comme l'été par exemple...



«Je crois à l'Histoire», pense Winston. Laquelle? Laquelle, Kevin? Dis-moi ça. Dis-moi si tu trouves pas terrifiant, à 24 ans en 2002, de tout savoir sur l'Antiquité latine et d'entendre parler pour la première fois des procès staliniens? Quelqu'un quelque part t'a baisé, mon frère. En te confinant à la virginité historico-contemporaine, on t'a baisé brutal.



Appelle-moi Goldstein.

2.4.02

Kevin est venu se réparer. Plein de fatigue et de Platon. On est allés chercher mon exemplaire du Céline des écrivains au Bouquiniste, où Blackburn l'avait gracieusement recouvert de mylar (la proximité de ma bibliothèque au poêle jaunissait déjà la couverture). Puis, j'ai mitonné un souper avec rien et on a glissé 1984 dans le magnétoscope. Ce diable roux s'est endormi avant la fin du générique.
Aujourd'hui, appris à composer des courriels en HTML et à signer en couleurs et à insérer un papillon qui volette. Il y a peut-être trop d'heures dans une journée.



Mis en forme et livré le texte définitif pour Moebius 94. Laverdure était ravi et Phaneuf a rougi.
Me redis que ce serait bien de toujours garder les chiottes propres comme si une fille venait souper. Doit être le printemps qui m'inspire de si hauts idéaux.

1.4.02

Retrouvé mon vieux fichier bibliographique planqué chez Geocities! Toute la liste de mes contributions à autant de revues depuis dix ans, que j'étais trop vache pour reconstituer, n'en déplaise à Circius et tant pis pour le site officiel! Voilà, c'est en ligne à présent, juste à temps pour les derniers devoirs de Cégep.



Vais me récompenser. Emprunter quatre billets à la concierge et m'offrir une quille.